L’homo-érotisme soufflera toujours sur le bodybuilding

Culturisme : le bœuf et la biquette

Le culturisme ou Bodybuilding est l’art de développer sa masse musculaire dans un but esthétique. Régulièrement, les culturistes professionnels participent à des compétitions où ils défilent devant un jury qui évalue le fruit de leur travail.

Compétition Bodybuilder
Compétition Bodybuilder

C’est à dire leur développement musculaire et leur harmonie générale. Ce spectacle provoque deux sentiments. Passé le premier qui est une évidente et irrésistible envie de monter sur scène pour virer un à un tous ces strings riquiquis qui gâchent la vue, le second sentiment pourrait se résumer à cette question : Pourquoi de beaux mecs tout en muscles, déguisés en animaux de course au slip numéroté, réveillent-ils du tréfonds un émoi de brebis maigrichonne en pâmoison jusqu’alors insoupçonné ? Le choc frontal du bœuf et de la biquette, en quelque sorte.

 

Culturisme : de la bête de foire à la bête de sexe

De la femme à barbe aux camelots vendeurs de potions miraculeuses contre la calvitie, au 19ème siècle, les foires comme les cirques amenaient jusqu’aux villageois les plus isolés, l’étrange, le surnaturel et l’insolite.

Foire au muscles
Foire au muscles

C’est à côté des bestiaux et tout près des cartomanciennes que l’on pouvait voir en vrai les hommes les plus forts du monde. Parfois même les toucher. Sensation garantie. A une époque où l’homme n’avait jamais porté autant de vêtements, un mâle sur scène, bras nus et cuisses galbées, avait de quoi susciter l’intérêt.

Exposition de muscles
Exposition de muscles

Davantage que la femme nue qui elle était légion depuis belle lurette. Un siècle et demi avant la femme à poil vendant de la bagnole comme du chocolat dans des publicités, la femme à poil avait artistiquement servi à à peu près tout. Comme nymphe échouée sur une plage, vierge vivant d’eau fraîche au paradis, elle était parfois courtisane au sortir du lit, déesse de harem humide, innocente offerte ou pleureuse de paix au milieu d’une scène de guerre. Tout pourvu qu’elle soit à poil. Quelques fois en tunique, mais en tunique transparente puisqu’à poil dessous.

Mr. Eggleton Eugene Sandow, Lionel Strongfort
Mr. Eggleton Eugene Sandow, Lionel Strongfort

Quant à l’homme, à part Jésus. Que nenni ! Ou alors c’était cochon et hautement tabou ! On imagine donc aisément quelques sensibles freluquets devant l’estrade à muscles un jour de foire. On les imagine dans leur redingote, leur gilet, leur caleçon long, leur guêtres et leur haut de forme. On les imagine cramponnés à leur canne, les yeux ronds comme des biquettes devant ces étals de musculatures exécutant différentes poses, lentement, en maillot de corps et culotte de laine. Ils n’avaient même pas besoin d’être beaux, l’imaginaire secret et inverti de chaque freluquet faisait sûrement le reste.

Culturisme : du muscle beauf au beau morceau

Eugène Sandow révolutionna le genre. Athlète d’origine allemande né en 1867, il est, encore aujourd’hui, considéré comme l’un des principaux pionniers du culturisme moderne.

Eugène Sandow (1867-1925)
Eugène Sandow (1867-1925)

En 1901, il fait 1m75 pour 83 kg. Il participe à la création de la première compète de culturistes au Royal Albert Hall de Londres. Avec lui, fini l’ambiance cirque à badauds en mal de sensation. Finis aussi les culottes de laine et autres collants à la plouc, Sandow se distingue des autres bêtes à muscles par le soin particulier qu’il accorde à son apparence. Des sandales d’inspiration gréco-romaines, des maillots sur mesure, moulants et échancrés jusqu’au nombril, des cheveux en petites frisettes et une moustache élégante. Quand d’autres se présentaient comme de solides gaillards démonstrateurs de force, Sandow était sexe !

publicité pour le magazine Sandow
Publicité pour le magazine Sandow

Les muscles bandés de partout, tête haute et regard fier comme une statue antique, Sandow se vendait de façon professionnelle en cartes postales pour fans le présentant à poil sur une peau de bête, vêtu d’un slip léopard ou d’une feuille de vigne. Les cartes les plus recherchées le représentaient cul nu. D’autres, juste en sandales… érotique à souhait, il suffisait d’y penser ! L’histoire n’a pas retenu si le nombre d’invertis à ses shows était conséquent, ni si les cartes postales homo-érotico-publicitaires avaient eu un réel impact dans l’évolution sportive de la discipline. En attendant, Sandow avait fait ce constat sans appel et qui restera : pour apprécier un culturiste dans toute sa musculature, le vêtement gène !

Culturisme : de la feuille de vigne au pagne hollywoodien

Steve Reeves était un gros bébé d’1m86 pour 98 kg lorsqu’il apparut avec un fouet en grosses chaînes à la main sur l’affiche du péplum italien “Les travaux d’Hercules” en 1958.

Hercules
Steve Reeves est Hercules

Solidement enfoncé au sol et les jambes bien écartées tel le colosse de Rhodes, il fouette à tout va. Son visage est marqué par l’effort mais aussi par la concentration et tout la rigueur que l’on sent en lui pour correctement s’acquitter de la tâche. Comme dans un plan SM, le spectateur de l’affiche le regarde d’en bas. Il sent que le fouet va s’abattre là où il faut, et qu’il y reviendra à chaque revers, méticuleusement manié par ce musclé sadique au regard consciencieux.

Steve Reeves
Steve Reeves

A ses côtés, telle une biquette effrayée, une nymphette se protège contre une de ses cuisses. Elle se protège du sang, très certainement. Ou peut-être attend-elle son tour, qui sait ? Un peu plus tard, en 1982, Arnold Schwarzenneger, ancien “chêne autrichien” d’1m88 pour 106 kg, est “Conan Le barbare” pour Hollywood. Toutes les photos publicitaires le montre le glaive à la main. Pas en train de le nettoyer ou d’y regarder son reflet mais plutôt le glaive levé, en garde. Sur ce cliché, il est positionné pile où il faut, l’angle de prise de vue donne même de la profondeur à l’engin.

Arnold Schwarzenegger - Conan Le Barbare
Arnold Schwarzenegger est Conan Le Barbare

L’engin dégouline de sang, il a donc déjà bien servi et il est encore tout chaud. Encore une fois, le spectateur est bien à sa place, en bas. Certains diraient à genoux. Soumis comme une biquette à l’abattoir. En face, le regard de Conan est fixe. Sa mâchoire est serrée, ses épaules sont contractées, comme ses pectoraux et ses biceps, jusqu’à ses mains qui empoignent solidement l’objet de toutes les attentions. Il semble hautement évident que quelqu’un va déguster. Pire, derrière Conan, la paroi brute de pierres sous-entend une grotte froide, rugueuse et primitive. Il n’y aura donc peut-être même pas de coussin ! L’apothéose du genre est atteinte avec le personnage de Hulk, à l’exception près que cette fois, c’est la biquette qui se transforme en tonnes de muscles.

Hulk
Hulk

Hulk n’est plus que muscles d’ailleurs. Il ne parle pas, son regard est vide et les dessinateurs américains contemporains réussissent même ce tour de force politiquement correct d’en faire un personnage qui ne véhicule plus rien de sexué, tout en le dessinant constamment torse poil et le cul moulé dans une jean mille fois trop petit après métamorphose.

Lou Ferrigno
Lou Ferrigno -Hulk de la Série tv

C’est d’ailleurs peut être ça, le culturisme vrai de vrai. Des compètes avec des mecs hyper musclés en string, mais qui ne véhiculent rien de sexué. La musculature, l’harmonie des formes et rien d’autres. Sauf que…

Culturisme : du pagne hollywoodien au gay for pay

Si le culturisme a pour ancêtre les foires aux muscles d’antan avec leur promesse d’y voir les hommes les plus forts du monde, c’est qu’à l’époque, ils étaient les seuls endroits où des hommes férus de musculations pouvaient se faire de l’argent. La musculation prend du temps, le culturisme est une discipline, le travail du corps est une science.

Gay for pay
Gay for pay

Tout cela a un coût. Les compétitions contemporaines offrent des primes alléchantes mais les vainqueurs ne sont pas par définition très nombreux. L’anonymat est souvent la règle. Aujourd’hui, il n’existe plus de foires ou voir les bizarreries de ce monde pour quelques sous et le culturiste se perçoit comme un athlète et non plus comme un animal de cirque.

Matthew Rush
Matthew Rush – Bodybuilder avec une carrière

Reste l’argent de biquettes plus ou moins fortunées, toujours promptes à payer pour tâter du musclé, du moment que c’est en privé. Le porno, en grand pourvoyeur de muscles et de catégories diverses à cliquer est souvent en embuscade et se révèle une source d’argent non négligeable pour le bodybuilder qui sait s’ouvrir un peu. Il suffit d’aller sur le premier tube venu et d’y taper bodybuilder pour s’en rendre compte. Pour peu que le bodybuilder soit vraiment gay, et une carrière s’offre à lui.

Culturisme : pourquoi ?

Au départ était Héraclès, dit Hercules, qui avant d’être un film Disney était une légende de la Grèce antique, dotée d’une force extrême. Connus pour les Douze Travaux qu’il entreprit sur ordre d’Eurysthée, ses représentations dans l’art sont multiples et véhiculent toutes le même imaginaire, devenu collectif. Cet imaginaire est de deux ordres.

Hercules - Statue
Hercules

Évidement, il y a la force “herculéenne” du personnage. Ses douze travaux consistaient à tuer, capturer, vaincre, voler, enchaîner… et au passage libérer, lutter et délivrer… Heraclès est un gros tas de muscles : il tue le mal et l’animal d’une gifle, mais il protège le faible du danger, grâce à son large torse imberbe et à ses quatre gros membres sculptés.

John Grimek
John Grimek

Il y a malgré tout un revers à cette force unique, c’est à dire la fragilité du héro. La fragilité première qui vient à l’esprit, c’est que tout est dans les biscoteaux et qu’il n’y a rien dans la tête. Peut-être même qu’il n’y aurait rien non plus dans la culotte ! D’où peut être cette envie irrésistible de virer les strings des bodybuilders comme de soulever le kilt des écossais. Pas par voyeurisme, attention !

Chet Yorton
Chet Yorton

Juste pour voir, pour vérifier un dicton… ! L’autre fragilité, qui est d’ailleurs la plus importante, vient de la bisexualité du héro. Mariés pourtant à quatre reprises, Héraclès (ou Hercules) est surtout connu pour avoir eu plusieurs relations avec de jeunes éphèbes. Les plus célèbres sont Iolas et Hylas. Ce dernier en particulier participe activement, si je puis dire, du mythe du héro antique. Enlevé par des nymphes pendant la quête de la toison d’or, sa disparition bouleversa Hercules. Elle le bouleversera au point de laisser les autres poursuivre la quête sans lui. Plus exactement, les autres sont partis sans lui, lassés d’attendre qu’il ait finit de gémir et d’errer, en vain, dans les bois en hurlant la peine d’avoir perdu son bien-aimé à jamais. De gros biscoteaux et un petit cœur d’artichaut, la légende d’Héraclès mêle tout cela allégrement. Héraclès ou le cœur comme muscle faible du gros géant baraqué.

Chet Yorton - Dave Draper - Arnold Schwarzenegger
Chet Yorton – Dave Draper – Arnold Schwarzenegger

Tel Hulk quelques siècles plus tard, tout au fond de la musculature impressionnante, au cœur même de tout ce volume, une biquette bêle, toute frêle et toujours à deux doigts de fondre en chaudes larmes. On ne la voit pas vraiment au départ, mais elle est bien là !

Muscle Beach
Muscle Beach

Le jeu consiste alors souvent à scruter le bodybuilder de compète sous tout les angles et toutes les poses hyper figées pour la trouver, cette fragile part d’humanité.

Johan Jimmy Sjödin
Le plongeur suédois Johan Jimmy Sjödin demandé en mariage par son bodybuiler de copain


2 Replies to “Culturisme, bodybuilding et érotisme gay”

    1. Merci beaucoup. Pour être exact, je m’intéresse à un sujet et comme j’aime écrire, j’en fait un article. Par ailleurs, j’en profite pour vous dire que suis également votre site.

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