Aujourd’hui, tout le monde connaît le double langage de la fiction à l’américaine concernant la sexualité des personnages. Qu’il s’agisse d’un film ou d’une série, le principe est à peu près le même. On pourrait même en parler comme d’une recette de cuisine. Celle des crêpes par exemple. Celle que tout le monde connaît et ferait les yeux fermés. Pour commencer, il vous faut deux mâles. S’il s’agit d’un film, un seul des deux est le héro sinon on s’y perd et c’est trop chiant à suivre. Surtout, et c’est super hyper essentiel sinon les producteurs fuient, les deux personnages sont hétéros.
Ne négligez jamais ce détail. Il faut que votre scénario le dise, le redise, le re-redise et le re-re-redise jusqu’à l’écœurement pour tuer dans l’œuf le moindre doute naissant chez le spectateur lambda. Ajoutez une nana dans l’histoire s’il le faut, pour faire un vase. Mieux, ajoutez en plein. Des « qui ont vite chaud » qui sont souvent en petites tenues.
Quand la caractérisation des deux gars en grands coureurs de jupons commence à prendre, créez un lien indéfectible entre les deux. Un lien viril qui les unit à la vie, à la mort. Un lien plus fort que celui du sang, plus fort encore que celui du mariage avec le vase que vous avez ajouté au scénario. N’importe lequel. Au pif. Ça justifiera tout.
Ce sont deux super héros qui sauvent le monde, c’est pour ça qu’ils vivent ensemble. Deux associés qui font du « business » donc faut qu’ils se voient tout le temps. Deux malfaiteurs qui veulent « remettre le couvert » pour la der des der et en mémoire « du bon vieux temps ».
Le grand classique : deux flics intrépides qui nettoient la ville de grosses vilaines crapules toutes pouilleuses et dégueulasses, tellement immorales qu’ils doivent travailler et vivre tout le temps ensemble, même les week-ends, et c’est justement pour ça qu’ils se connaissent si bien. Celui-là, c’est La recette garantie crêpes fluides et sans grumeau, elle marche à tous les coups. Allumez la télé, on en fait des séries.
Si aucun de ces liens virils qui reposent sur l’amitié entre mâles ne vous plaît, tentez le lien inverse : deux mâles unis par la haine.
Deux rivaux sanguins qui se battent pour la même femme et c’est pour ça qu’ils se voient tout le temps et pensent sans cesse l’un à l’autre (un vase vous sera nécessaire pour cette recette). Deux boxeurs hyperactifs de deux puissances économiques opposées qui se musclent ardemment tout le film durant pour leur grande rencontre sportive, le combat ultime qui déterminera lequel des deux finira soumis.
Deux branleurs qui ne s’apprécient pas mais qui vont bien devoir s’unir quand même puisque l’union fait la force et qu’ils n’ont pas vraiment le choix vu que c’est leur destin.
L’autre grand classique est éternel. C’est le bon et le méchant, le flic et le voyou, dont le scénario pourrait se résumer ainsi : attrape-moi si tu peux ! Vous l’aurez compris, la nature du lien importe peu. Comme pour notre recette, que vous y ajoutiez du rhum ou que vous optiez pour la fleur d’oranger ou plutôt du sucre vanillé, ça fera toujours des crêpes.
Et oui, parce que vous vous demandiez sûrement pourquoi je vous racontait tout ça. Pourquoi croyez vous que les deux mâles passent leur temps à se chercher mutuellement, à se toiser l’un l’autre ? Depuis le début, ils se flairent et se jaugent. La confrontation est inévitable.
A quoi bon cette haine ou cette amitié qui les réunit, ces rebondissements qui les éloignent avant de les rapprocher violemment pour un objectif devenu commun ? Ils sont inséparables. Il faut qu’ils s’unissent, qu’ils pactisent, se battent ou s’associent. Pour tout ça, tout ça, il faut la rencontre, les retrouvailles ou l’ultime contact avant le duel. Il y a de la tension tout partout.
Les deux héros sont au même endroit, au même moment. Ils se regardent. ils sont au centre de l’image et de votre attention. Plus rien n’existent autour d’eux. Ni entre eux et vous. Ils sont encore tout propre mais vous savez que ça ne va pas durer. Vous sentez votre petit cœur qui tambourine. Les yeux dans les yeux, les deux mâles sont face à face et…
…et le film passe à autre chose. Souvent de façon assez brutale d’ailleurs. Pour vous, c’est la frustration. Pour votre imaginaire aussi. Tout absorbé qu’il était, il commençait à s’emballer et à s’écrier : le bisou, le bisou, le bisou…. De bisou, il n’y aura point. Vous le saviez dès le début. Vous êtes un peu frustré, mais vous regarderez quand même jusqu’à la fin.
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