Je voudrais lancer un cri, un gros cri qui vient du cœur. Un énorme cri, un grand bravo et un énorme merci à la téléréalité. Un merci très sincère. Bravo à cette téléréalité qui nous abreuve d’idioties et de vulgarités en tout genre quotidiennement. Merci à cette téléréalité qui est entré pour l’éternité dans nos tristes vies avec l’impayable Loft Story en 2001 et avec cette première réplique d’anthologie : « Qui c’est qu’a pété ?« . Merci et encore bravo à cette téléréalité qui se renouvelle sans cesse et sans gène dans l’ânerie ; cette téléréalité qui explore et sonde toujours plus profondément la bêtise, repoussant de fait chaque jour plus loin l’intensité et la vacuité du néant. Elle cumule à elle seule tous les défauts de la télé d’aujourd’hui. Elle est voyeuriste, cupide, écervelée, simpliste, futile, oisive, vaseuse… et pourtant, pourtant, elle est fascinante. Fascinante par tous les profils de personnes qui s’y pressent pour y être vu, pour en être.
De la lolita illettrée à la chanteuse à voix mais sans univers artistique, du paumé prêt à tout même au pire, au beau gosse qui n’a que son physique pour atout, toute une galaxie de wanna be people ont défilé les uns après les autres dans la lucarne nationale pour y vivre ce qui s’appelle désormais en langage télé : « une aventure ». Évidement, parmi ces wanna be il ne pouvait pas ne pas y avoir quelques gays. Si les ébats en direct de Loana et Jean Edouard ont fait « le buzz » et alimenter le côté sulfureux du premier loft, peu de journaux se scandalisèrent à l’époque de l’arrivée toute aussi tonitruante dans la boite à images à papa de l’autre « blonde » du show tv. Avec du recul, ça pique pourtant les yeux. Comment passer à côté de Steevy Boulay, ses mèches blondes peroxydées et son inséparable peluche bourriquet. L’homosexualité était jusque là montrée avec parcimonie lors de débats, ou dans le cadre de La Nuit Gay en crypté sur Canal+ depuis 1995.
En 2001, Steevy Boulay s’affiche tel qu’en lui même, nature et en direct, chaque soir ! Mais on reste tout de même encore dans le non dit.
Non dit qui allait d’ailleurs exploser dès l’année suivante avec Thomas le gentil fils à sa maman, premier coming out télévisuel de l’histoire, en direct LIVE depuis Le Loft (story 2) devant 8 millions de téléspectateurs. L’homosexualité venait de rencontrer la téléréalité.
Aujourd’hui, la rencontre ayant été plus que largement consommée, l’homosexualité s’est carrément emparée des manettes de la téléréalité. Christophe Beaugrand présente Secret Story, Benoît Dubois en animateur.
On peut dire que s’il existe, en France, encore une personne qui n’aurait pas encore vu un gay flamboyant à la télé faire son show, c’est qu’il y met vraiment du sien. Les militants LGBT se sont toujours battu pour la visibilité. Comment être plus visible que Mika, jury dans « The Voice » ? Mais s’agit-il vraiment de la visibilité tant recherchée par les militants LGBT de la première heure ?
Malgré tout, la visibilité est bien là mais ce n’est pas cette visibilité là qui me fait remercier la téléréalité. Je remercie surtout les autres garçons, tels Jean-François et Grégory, deux anonymes bien bien loin de l’image stéréotypée de l’homo au glamour ébouriffant. Comment deux garçons en couple et au bord de la rupture en sont arrivé psychologiquement à se dire qu’ils devaient passer par « Tellement Vrai » sur NRJ 12 pour résoudre leur problème devant des millions de gens ? Pourtant ils l’ont fait, ou plutôt ils ont osé. Et à mon tour d’imaginer toutes les catégories de téléspectateurs que draine ce genre de programme, d’imaginer les lolitas écervelées et les mamies qui s’ennuient, les bogoss aux rêves de gloire et les ados boutonneux, les célébrissimes ménagères de moins de cinquante ans ou encore tous ceux qui regardent ces programme aux dixième degré.
J’imagine la jeune maman talquant le cu-cul de bébé après le change se dire que franchement, Là, Grégory et ses jeux vidéos, il abuse ! J’imagine mamie sur son fauteuil, somnolente, écoutant d’une oreille les colères de Jean-François et se remémorant les siennes, avec papi. J’imagine les ados zappant d’une chaîne à l’autre et revenant sur la 12 régulièrement, pour voir la suite. Et je me visualise, moi, bouche bée, effaré par tant d’exhibitionnisme sans retenu, déconcerté par tant d’impudeur et en même temps conscient que ces garçons, finalement, en s’invitant sans pudeur dans le salon des gens, font dix fois plus pour la visibilité des gays que tous les ébouriffants médiatiques réunis.
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