La gay pride est un moment à la fois festif et revendicatif. Les plus follasses d’entre nous s’en donnent à cœur joie, les plus militants se bécotent à qui mieux mieux et les plus réservés paradent à visage découvert. Pour les badauds qui assistent aux défilés, pour les média qui les commentent et pour tous les ados hétéro qui suivent le parcours parce que l’on ne refuse pas une occasion de faire la bringue, bref pour tout le monde, la gay pride c’est rigolo.
C’est coloré, c’est fun et paillette et c’est un peu sexe donc c’est un peu rebelle, surtout vu le monde cu-cul la praline un peu coincé qui nous entoure. Les gays s’emparent de la rue et y mettent le feu. Un feu spectaculairement multicolore. Pourtant il a fallut des décennies, ou plutôt des siècles, pour que les gays puissent enfin prendre possession de la rue. Dans certains pays de l’est, cette prise de possession en un jour symbolique comme celui de la gay pride ne va toujours pas de soi et se fait dans la violence, sous les quolibets et la haine affichée d’homophobes venus exprès pour casser du PD. En occident, la Gay pride fait partie du calendrier. C’est une façon rigolote de s’afficher, c’est un moyen d’exposer aux regards de tous la multiplicité des homosexualités, et de le faire en musique s’il vous plaît. La Gay pride, c’est aussi un nombre. Le nombre de participants. S’il est minime, il révèle, de fait, l’existence même de l’homosexualité dans une communauté nationale donnée. Si ce nombre de participants est croissant, il révèle l’acceptation de l’homosexualité du pays.
Lorsque la gay pride se termine, tout ce petit monde rejoint ses bars, ses soirées chez l’habitant, ses diners entre copains et tout autre lieu confiné où notre univers bigarré se retrouve, où chacun d’entre nous se ressource.
Les boîtes de nuit sont donc pour certains de vrais cocons tout doux. On y tombe les masques, on y est soi-même et on y oublie le poids des préjugés. A l’intérieur, c’est la gay pride toute l’année, dans un entre soi compréhensif, bienveillant et sécurisé. C’est ce doux cocon qu’Omar Mateen vient d’exploser en massacrant les clients du Pulse à Orlando, en pleine gay pride américaine.
Un lieu gay, c’est d’abord et avant tout ce qu’il n’est pas : un lieu hétéro. D’ailleurs un lieu hétéro n’est jamais appelé un lieu hétéro.
C’est un lieu, c’est tout. Aujourd’hui, beaucoup de gays n’ont plus vraiment à se cacher. Ils peuvent être ce qu’ils sont quel que soit le lieu. Et tant mieux pour eux. Certains d’entre nous ont peu d’amis gays, et cela ne les empêche pas d’être en couple. Certains sont très fiers de se déclarer hors milieu. Le milieu est même qualifié de ghetto. Et il l’est, d’une certaine manière. Mais la réalité, la vraie c’est que tous les gays ne peuvent pas se contenter des lieux qui existent, aussi gay friendly soit-ils. Tous les gays n’ont pas les ressources psychologiques suffisantes pour vivre en couple au milieu de nulle part et assumer.
Tous ne partagent pas l’idée qu’être le seul gay de la bande n’est qu’un détail. Un bar gay, une boîte gay, un local associatif gay ont toujours été, sont et resteront encore longtemps des repères, symboles d’un milieu, certes, mais des repères quand même. Et c’est en cela qu’ils sont précieux.
Le milieu gay, c’est l’association Le Refuge pour les jeunes gays à la rue, c’est Sida Info Service pour les dépistages et l’accompagnement des malades, ce sont les associations de convivialités pour les retraités… et ce sont les saunas, les bars et les boîtes. Un milieu, c’est un ghetto et c’est un cocon. Ce sont des barmen, des serveurs et des videurs qui savent qui vous êtes.
Ce sont des écoutants, des bénévoles et des psychologues qui vous accueillent dans des locaux payés avec trois francs six sous et quelques subventions. Le milieu gay, c’est un lieu où un gay peut aller les yeux fermés, et le Pulse était un haut lieu de la nuit gay où personne n’était encore jamais entré la peur au ventre.
La tuerie d’Orlando est l’une des plus grandes tragédies que les gays aient connu. Pourtant il y en a eut, des épisodes tragiques dans l’histoire LGBT – Les déportations sous Hitler, l’homosexualité sous l’inquisition… Mais ce dernier épisode a ceci d’horrible que le meurtrier était sûrement gay lui aussi. Le poids de la religion et une instabilité psychologique importante ont fait d’Omar Mateen un gay refoulé comme hélas il en existe des tas. Les témoignages s’accordent à dire qu’il connaissait le Pulse pour y être allé plusieurs fois ces dernières années. Il avait également un profil sur une application de rencontres gays. D’un autre côté, il était marié et père de famille. Omar Mateen rejoint ainsi le long cortège funeste des gays qui ont tué d’autres gays par dégoût et rejet de leur propre sexualité.
Il y eut Michel Peiry en Suisse, homosexuel refoulé décrit sur Wikipédia comme le pire tueur en série Suisse. D’apparence normale, très apprécié de tous et très impliqué dans la vie sociale de sa ville, il kidnappa, viola, tua et brûla dix adolescents. Afif Dria, ouvrier, père de famille et homosexuel refoulé de 28 ans rencontra Yitzhak René Autard, 60 ans, dans un bar gay toulousain en 2005. Plus tard, Autard ramène le jeune homme chez lui. Début de relation sexuelle. Puis Afif, ne supportant pas l’idée de faire la femme s’emporte et tabasse Autard avec un pied de table en bois jusqu’à lui fracasser le crâne. En 2015, au Sénégal, Hachem Issam Fawaz et son partenaire autrichien William Klinger rencontrent Lamine Dabo.
Deux mois plus tard, Dabo revient chez eux les poignarder sauvagement pour se venger de la honte suprême qu’il a vécu. Une fois arrêté, il déclarera avoir été drogué et violé par Klinger. Les liens entre l’homophobie la plus violente et l’homosexualité refoulée sont hélas légions. La déchéance de Monseigneur Mixa en est un exemple qui pourrait, à lui tout seul, être un cas d’école. Homophobe virulent, fervent dénonciateur de la révolution sexuelle des années soixante, de la pédophilie… et pourtant pédophile lui même, et homosexuel refoulé. Les normes sociales, le religieux et l’homosexualité forment un cocktail souvent meurtrier.
L’homosexuel refoulé n’arrive pas avec homosexuel refoulé violent marqué sur son front. Yitzhak René Autard, Hachem Issam Fawaz et William Klinger n’auraient jamais fait entrer un meurtrier chez eux, dans leur cocon.
Ils se sont fait massacrer dans leur intimité par des hommes qui avaient été sûrement très avenant, avant. Mateen était un client régulier du Pulse. Peut être même qu’aux premières heures du dimanche 12 juin, d’autres habitués l’ont vu arriver et lui ont sourit comme on sourit à quelqu’un qu’on reconnaît, qu’on est content de revoir, d’accueillir chez soi.
Mateen est entré, et a tiré. Le jeune homme sympathique était en fait, aussi, un homosexuel refoulé instable. Dans l’Amérique dopée aux armes à feu que l’on connait tous. Le résultat fut un carnage.
Comment la croisade homophobe d'une chanteuse conservatrice et religieuse aboutit à sa propre mise sur…
Peut-on faire un film avec Barbie sans la présence de Ken ? Un blockbuster en…
Homosexualité et musique militante dans l’Angleterre des années 80 Angleterre Thatcherienne et homosexualité Si…
Quand le coming out devient perpétuel Être homosexuel À la naissance, la société assigne automatiquement…
Quand l'acceptation de soi devient révélation De l'urgence vitale de se sentir "normal" Qu'est-ce qui…
Gene Kelly ou Fred Astaire, deux facettes de l'homo-érotisme hollywoodien ? Lorsque l'on pense aux…
commentaires
Rien d'étonnant dans un pays ou les armes s'achètent comme des petits pains,ou les prêcheurs religieux ont le droits d'exercer les thérapies de conversions et de prôner une véritable chasse aux homosexuels. Il ne manque dans certains états que la peine de morts pour les homosexuels pour être dans un des pire pays du monde, pour vivre son homosexualité. Résultats, comme dans beaucoup d'autres pays industrialisés du monde, les homosexuels se réfugient dans les quelques villes les "plus gays friendly", (au passage, perdent pour beaucoup leur famille)....ailleurs c'est plutôt de la survie, même avec les évolutions législatives.