Noël n’est pas gay mais religieux, commercial et avant tout un rite, une ode à l’enfant et à la famille
Les jolis marchés de Noël gay
En Allemagne, depuis plusieurs années et dans certaines grandes villes se déploient chaque années tentes roses et guirlandes blanches, sapins à paillettes et stands arc en ciel éclairés de boules à facettes. Il s’agit des Pink Christmas Markets gay allemands. Le premier du nom a ouvert ses portes en 2004 à Munich, d’autres ont fleurit à Cologne, Hambourg et depuis 2009, à Berlin. Des stands culinaires de qualité côtoient les habituels stands d’artisanat dans des chalets en bois typiques de ce genre d’événement. Très populaires, leurs allées sont parcourues par les locaux comme par des touristes, gay ou hétéro, toujours plus nombreux.
Évidement, vous y dégusterez jusqu’à plus soif le rituel vin chaud à la cannelle et vous pourrez y engloutir sans les compter les grosses parts de gâteaux bien crémeux que les allemands affectionnent tant avec leur café de l’après-midi, le tout sur de la musique populaire germanique qui pique bien les oreilles, même transies par le froid. Comme vous êtes en territoire gay-friendly, vous ne vous étonnerez pas de l’aspect quelque peu sex-shop des différentes idées cadeaux proposées aux chalands par les commerçants. De la sucette pénis au gode père Noël, tous les symboles de Noël sont revisités, ou améliorés selon les avis, pour satisfaire le besoin de folklore des clients. L’objectif, c’est la légèreté, le sympa, l’hétéro-friendly qui détourne les codes pour rigoler, le drag-queen travesti en mère Noël pour amuser le badaud, le gay qui n’a que des clichés à offrir face à l’étalage quasi pornographique d’une fête familiale. La Grande Fête familiale annuelle par excellence où la famille est au centre de tout et le gay, si gay il peut y avoir, n’est là que pour amuser la galerie.
Noël, c’est pas gay, c’est religieux
Si un soir, ou un jour d’ailleurs, vous vous retrouvez à parler Noël avec un gay qui vous répond émerveillé que Noël c’est avant tout sapin, c’est d’abord bûche, enfin c’est surtout dinde et vive le vent, papa Noël et plein de guirlandes, ne le giflez pas tout de suite. Certains gays sont un peu nouilles, un peu naïfs. Expliquez-lui, éclairez-le. Forcez-le à regarder, et attention je suis ferme là dessus, forcer-le à regarder jusqu’au bout du bout et depuis le tout début la longue messe de minuit en direct live du Vatican. Et sans coupette de champ’ s’il vous plaît, pour qu’il en profite bien.
A peine la messe terminée, dépêchez-vous et emmenez-le sans délai aucun à l’église la plus proche. Faites vous aider et immobilisez-le car certains résistent comme des diables, immobilisez-le devant la crèche et laissez le macérer. Comptez tout de même vingt à trente minutes. Il faut que l’image de la vierge et la signification même du nom de vierge immaculée prenne tout son sens dans sa tête. Noël est une fête religieuse célébrant la naissance du Christ sorti tout beau tout chaud du ventre fécond d’une vierge pure.
Ce petit bout de chou sera une star de son vivant et mourra tragiquement avant ses quarante ans sans pour autant être Princesse de Galles. Après sa mort, une religion naîtra, des fidèles communieront et sa mémoire sera l’objet de cantiques, de psaumes et de chansons qui n’auront rien, mais alors rien à voir du tout avec Candle in the wind. Et cette religion, comme bien d’autre, existe encore aujourd’hui, et elle est comme elle a toujours été, contre l’avortement, contre le divorce, opposé au concubinage, à la naissance hors mariage et, en ce qui nous concerne, d’une homophobie crasse, tenace et durable. Voilà pour le sens de Noël.
Noël, c’est pas gay, c’est commercial
Oui mais heu… Car souvent les naïfs ou les gens un peu nouilles émettent des oui mais heu… Votre ami gay s’en moque du Christ et de la vierge, lui ce qu’il veut c’est du fun, la vie c’est du fun alors Noël ça doit être du fun aussi. Na ! Retenez votre main, je sais qu’elle vous brûle. Retenez la de toutes vos forces et prenez sur vous. Peut être que votre ami est encore jeune et que papa et maman veillent encore à lui mettre religieusement les cadeaux commandés et attendus sous le gros sapin du salon familial. Peut être que Noël est encore pour lui une gigantesque fête pas encore commerciale dont il est encore l’un des principaux bénéficiaires, ne serait-ce que par l’âge.
Peut être un étudiant, ou un jeune sans emploi ni argent. Sinon, asseyez-le sans ménagement devant une grande feuille blanche et obligez-le séance tenante à noter toutes ses dernières et futures dépenses liées à cette fête si fun. Tickets de train, courses, essence, vêtements parfois. S’il admet que ça fait pas mal d’argent, vous pourrez en venir à l’étape ultime, la compréhension réelle de ce qu’est Noël de nos jours. Obligez-le à faire tous les marchés de Noël, toutes les grandes surfaces, toutes les artères commerciales de centre ville et des environs. Allez-y sans manger pour qu’il hume pleinement l’odeur des marrons et du vin chaud.
Ne vous contentez pas de de lui faire faire du lèche-vitrine passif, qu’il soit actif et rentre dans chaque boutique, essaye des vêtements, des écharpes, des gants, s’asperge de parfum hors de prix, qu’il touche et palpe chaque objet déco et autre idée cadeau. Ensuite sortez-le pour qu’il n’achète rien. D’ailleurs, le mieux serait de lui confisquer porte-feuille et porte monnaie, que l’expérience soit vraiment pleine et entière. Ne délaissez pas les grandes surfaces, traversez-y avec lui chaque rayon, lentement, et arrêtez-le au milieu du rayon des jouets. Comptez vingt à trente minutes, comme devant la vierge. Un grand magasin spécialisé dans le jouet petite enfance serait l’idéal pour une expérience vraiment inoubliable. Si possible, pour sortir, passez par la caisse pour bien faire la queue. Si une fois de retour à la maison, il vous semble choqué, c’est le moment de lui faire signer une promesse de don. Promettre de donner tous les cadeaux de Noël qu’il recevra au secours populaire, et sans pleurer s’il vous plaît. Pour terminer, faite lui apprendre et réciter cette longue phrase de mon crû qui devra être pour lui comme un mantra : Noël, c’est du big business de grande ampleur qui fait plein de juteux pognon favorable à la croissance, cette salope de croissance capricieuse qui est notre Graal moderne et qui se fout complètement, mais alors complètement d’être gay-friendly, ou pas. Voilà pour l’esprit de Noël.
Noël, c’est pas gay, c’est familial
Si après tout ça, après tous vos efforts et toute votre patience d’or, il vous regarde hébété, presque absent dans le fond de l’œil, alors giflez-le, et giflez-le de bon cœur. Vous y avez droit. C’est votre cadeau. Inutile de lui expliquez que Noël est la fête de l’enfant roi et de la famille comme modèle. Et que si les publicités mettant en avant les familles homoparentales sont rares, ce n’est pas délibéré. Ce n’est pas une volonté de discrimination ou une volonté de nuire. C’est juste que pour beaucoup de gens, nous n’existons pas le restant de l’année, alors à Noël…
Et puis Noël, c’est toute une histoire, c’est une fête millénaire. Une fête sociale qui nous vient de loin. Un rite social qui se perpétue. Un rite qui consiste à réunir les proches comme les lointains autour de la table familiale, autour des parents et des aînés. Un rite qui culmine avec le sacre d’une progéniture, encensée et gavée de cadeaux.
Une table familiale qui dès les origines n’avait pas grand chose de gay.
Une table familiale qui dans certains foyers est accueillante avec le fils gay ou l’oncle gay, mais parfois également une table familiale qui a rejeté l’un de ses enfants, enfants qui feront Noël avec l’association le refuge, ou avec des amis, ou seuls. Noël est une fête familiale dont on ne fait pas parti. On se greffe dessus, comme se greffent les marchés gay de Noël allemands au marché plus large de la ville, et nous profitons pleinement d’être acceptés, ou tolérés selon les avis, dans ces villes accueillantes, c’est tout. Cela ne fera jamais de Noël une fête gay. Par contre, le nouvel an….