Du racisme aux Oscars au racisme dans la presse gay
Oscars racistes ?
Les Oscars 2016 ont commencé par une polémique de taille : tous les acteurs nominés cette soirée là étaient blancs. Aucun noir.
Dans un pays où les conflits et les crimes raciaux remontent aux origines, le symbole était suffisamment fort pour que des personnalités comme l’acteur Will Smith ou le réalisateur Spike Lee appellent au boycott de la cérémonie. Même si le présentateur retenu pour animer la soirée fut l’acteur Chris Rock et que ce dernier démina l’ambiance d’entrée avec un long monologue sur l’importance cruciale d’une véritable égalité des chances d’obtenir des rôles de premiers plan entre acteurs blancs et acteurs noirs, le malaise fit couler beaucoup d’encre. L’académie des Oscars a pourtant une longue tradition d’ouverture et de tolérance derrière elle.
La première actrice noire oscarisée fut Hattie McDaniel pour « Autant en emporte le vent » en 1940 dans une Amérique ségrégationniste. Sydney Poitier sera consacré meilleur acteur en 1964 en pleine fièvre des revendications civiques des noirs. Aujourd’hui, on ne compte plus le nombre d’acteurs ou d’actrices noirs nominés ou oscarisés (Denzel Washington, Forest Whitaker, Jamie Foxx, Whoopie Goldberg, Halle Berry…).
On pourrait donc presque dire que dans l’Amérique d’Obama, Will Smith et Spike Lee abusent de leur position de « représentants » d’une minorité ethnique pour faire parler d’eux, eux qui ont pourtant déjà été nominés aux Oscars dans leur spécialité, et par deux fois chacun ! Sauf que l’année précédente, l’académie n’avait pas non plus nominé un seul acteur noir non plus. Pas parce qu’elle était raciste, mais parce qu’il n’y avait pas de grands rôles magistralement interprétés par des noirs. Les grands rôles sont d’abord et surtout pensés pour des blancs. Voilà le hic. Il fallait le dire. Et les américains, qui ont des tas de défauts, ont toujours le mérite et la vertu de savoir appuyer bien fort là où ça fait mal pour dénoncer une injustice
Les magazines gays anglophones sont racistes
Peu de gens ferait le lien entre la polémique sur les Oscars et la presse Gay.
C’est sûr que la presse gay toute lisse comme elle sait l’être était plus prompt à découper les cheveux en quatre en controverses rigolotes pour démontrer que le très lisse Sam Smith s’était un peu trop avancé (mais jusqu’à où ?) en se déclarant le premier oscarisé ouvertement gay qu’à se mêler des histoires cradasses mais accablantes et révélatrices de problèmes de races et de discrimination à l’intérieur même de la gay « community ». Heureusement il y avait un américain pour le faire pour eux : le rappeur gay nettement plus rugueux Mykki Blanco.
Avant toutes choses, il est important de signaler que ce cher Mykki est Le spécialiste pour traquer le racisme dès qu’il pointe le bout de son vilain nez. Mykki est aussi Le dénicheur en chef de toutes traces d’homophobie qui iraient sournoisement se nicher là où on ne les verraient pas comme les « éventuelles » et fourbes traces d’arachides dissimulées dans les snacks et les gâteaux du goûter. Il dénonce, même si personne d’autre que lui ne voit le Mal. Seul contre tous, il dénonce pêle-mêle le racisme, l’homophobie, la transphobie, la stigmatisation des personnes séropositives… Ça prêterait à sourire, voire même à se moquer, à l’accuser de se la jouer. Mais quand on sait qu’il est noir, trans, gay et séropositif depuis 2011, ça calme. Au moins, il sait de quoi il parle. Et le moins qu’on puisse dire c’est que cette fois-ci, il a visé juste.
Le manque, pour ne pas dire l’absence criante de noirs, ou autres d’ailleurs, en couverture des média gays les plus connus dans le monde anglophone est un fait et on pouvait compter sur Mykki pour interdire tout droit de réponse et rendre péteuses toutes réclamations ou ripostes en postant sur tweeter un montage des unes les plus récentes.
Puisqu’on vit tous à l’heure des réseaux sociaux, le tweet a fait boule de neige et beaucoup, non seulement pour approuver la démarche mais pour y prendre pleinement leur part, se sont amusé hé hé… à créer leur propres montages de unes de presse gay, pimentant l’ambiance générale. Si vous ajouter à ça Michael Sam, footballeur noir américain oh combien sexy et oh combien célèbre depuis son coming out, en une d’un magazine Gay (Attitude – pour ne pas le nommer) pour y dire à longueur d’interview à quel point les gays sont racistes, on peut dire que le débat est lancé. Du moins aux États-Unis et dans les pays anglophones.
En France, débattons de la paille dans l’oeil du voisin
En France alors qu’on espérait plus rien de rien, la polémique se fit quand même entendre. La presse gay, réduite depuis la fin de Têtu à la portion congrue, s’interrogeait sur le fait que Sam Smith était franchement allé trop trop loin quand la nouvelle éclata telle une pluie de fientes de pigeons en pleine garden party au milieu du marais. Heureusement, l’œil averti et l’analyse construite de Didier Lestrade dans Slate.fr, lui qui co-fonda Têtu et collabora au mensuel jusqu’en 2008, nous en apprend beaucoup plus sur la France et sa presse Gay en deux phrases que tous les agrégateurs de contenus gays (ou traducteurs de contenus gays) et autres sites ou blogs gays francophones réunis :
-Si les médias gays américains ou anglais sont aujourd’hui critiqués, ces sujets ne sont même pas abordés en France.
-En 2007, il était déjà impossible de faire un numéro bilan sur le thème «Qu’est devenue la communauté LGBT?». Alors en 2016…
Pour joindre le geste à la parole, il envoie le lecteur par un lien externe consulter les images rassemblées par google sur les couvertures de feu le magazine.
Un peu avant la mort du mensuel Têtu, Didier twittait que son bébé mourrait parce qu’il (la rédaction, les actionnaires ?) était devenu « mou du cul ».
Qu’en sera-t-il de ce qui reste de presse gay demain ? Le nouveau magazine « garçon » prendra-t-il le même chemin ?