Quand sauver sa peau est plus important que d’être gay
Je vis dans un monde hétéro
Nous vivons dans un monde hétéronormé, c’est l’évidence. Il suffit de passer une heure entière à zapper la télévision, publicités comprises, pour s’en rendre compte. La norme sociale hétérosexuelle n’est pas insidieuse, elle est grossière, outrancière et ne fait jamais dans la finesse. Elle met hommes et femmes dans des cases bien étanches et leur assigne un seul et unique objectif : se rencontrer et fonder une famille. Hors de la famille, un homme est soit un coureur de jupon, soit un puceau coincé.
Le premier finira vieux beau, l’autre vieux con, et les deux termineront vieux garçons, très loin de l’idéal bon père de famille, idéal mythique d’inspiration religieuse. Pas une série tv, pas un film et surtout pas une seule pub qui ne définisse ses personnages hors de cette norme.
Cette norme est par conséquent un doux cocon aussi chaud qu’un bon doudou pour tout mec hétérosexuel qui ne veut pas trop s’embarrasser de questions existentielles. Un bébé deviendra un garçon qui fera du foot et qui déconnera avec des potes durant son adolescence jusqu’à ses études qu’il passera à draguer de la meuf. Il se fera ensuite mettre le grappin dessus par la bonne (dans tous les sens du terme) qui le casera tôt ou tard et il lui fera un bébé, qui deviendra un garçon, qui fera du foot et …. vous connaissez la suite.
Je veux penser hétéro
Le mariage pour tous, que d’aucuns auront vite rebaptiser (toujours le religieux) mariage gay a été accusé par beaucoup de gays de n’être qu’une énième fuite en avant, vaine, pour singer cette norme hétérosexuelle qui nous entoure de partout. C’est leur droit et leur opinion mérite le respect.
Mais certains gays on fait mieux et ont réussi le tour de force de fonder un collectif en quelques semaines, rejoindre fissa les rangs des opposants les plus douteux, défiler têtes hautes dans des manifs hurlantes d’homophobie et sombrer jusqu’à devenir et même se revendiquer portes paroles du mémorable collectif d’associations La Manif Pour Tous, LMPT pour les intimes. Comment peut-on en arriver là ? Qu’on soit opposé au mariage pour tous est une chose et tous les arguments se discutent mais de là à s’afficher plus homophobe dans les propos que les homophobes eux même, il y a un pas à franchir. Et ce pas, l’Histoire, passée comme récente, nous a montré, nous montre et à coup sûr nous montrera encore un jour que certains gays, selon les circonstances et les conséquences, le franchissent allègrement, sans scrupule, aucun.
Je veux être homophobe
Ernst Röhm est un allemand né en 1887 à Munich.
En 1933, il a quarante-quatre ans. Il est potelé, joufflu et pas vraiment un premier prix de beauté. Homosexuel, il aime les corps jeunes et musclés. L’Histoire ne dit pas si les corps jeunes et musclés se bousculaient à son portillon vu les photos de Röhm mais il faut quand même préciser que l’époque n’était pas à la gay pride délurée et festive. En 1933, Hitler devient chancelier de l’Allemagne et dans la foulée, tout ce qui ressemble à une organisation homosexuelle est interdite. Fin des années folles berlinoises, le troisième Reich se met en place. Le camp de Dachau vit arriver ses premiers déportés gays peu de temps après. Il ne faisait plus bon être homosexuel sous Hitler, sauf pour Ernst Röhm qui, en bon militaire et en bon politique fut d’abord un bon vieux pote du futur Führer depuis la fin de la première guerre mondiale avant que, en 1921, lui et son vieux pote ne fondent les sections d’assaut (les S.A ou chemises brunes) ; une véritable milice. Cette milice prendra de l’ampleur, gagnera en nombre (400 000 hommes, pas tous gay friendly) et gagnera en brutalité au point de devenir le bras armé de l’organisation politique.
Röhm, depuis 1930 en est devenu le chef incontesté. Il est si puissant qu’on s’en inquiète dans l’entourage du Führer fraîchement élu. Hitler cherche à s’en débarrasser, de Röhm comme des S.A. Röhm est aussitôt accusé de complot visant un putsch, arrêté et enfermé pour trahison à Munich. Hitler le fera abattre dans sa cellule comme on fait piquer son chien, quelques jours plus tard, lors de la nuit des longs couteaux en 1934. C’est avant tout un assassinat politique. Pourtant Hitler se servira de l’homosexualité de Röhm comme raison officielle, marquant le coup d’envoi d’une grande épuration de la race aryenne. Röhm rentrera dans l’Histoire comme le militaire gay qui co-fonda un régime nazi homophobe par essence et contribua grandement à installer au pouvoir Hitler qui s’empressa ensuite de mettre en œuvre la plus grande tuerie d’homosexuels de l’Histoire.
Je veux sauver ma peau
Nos livres d’Histoire sont faits pour les garçons hétéros. On y parle bien de quelques femmes, mais l’Histoire est surtout peuplée d’hommes, quoi qu’on en dise. Et aujourd’hui tout le monde peut méditer sur les leçons que ces hommes nous ont transmise, par leur histoire. Qui ignore le sort de Jules César, tués par les siens en plein sénat. Comment penser à Jésus-Christ sans penser à Judas. Si l’Histoire s’intéressait davantage aux leçons transmises par les gays, peut être qu’en Syrie, les gays ne rejoindraient pas Daesh pour assurer leur sécurité. Car il s’agit bien de ce genre de retournement des choses bien connu dont il s’agit. Comment réagissent les gays lorsqu’ils sont en situation de danger de mort ? Qui a le courage de risquer sa vie pour sa sexualité et sa liberté individuelle et qui choisira de se planquer dans le premier placard venu ?
Pourchassés par Daesh dans une région régie par la charia imposée à tous, certains gays syriens se convertissent pour sauver leur peau. Pire, une fois déguisés en islamistes jihadistes, ils dénoncent leurs anciens amants, leurs anciens copains et participent même aux exécutions comme autant de gages de leur engagement. Nos pires ennemis sont-ils parmi nous ? En voilà un sujet d’Histoire qui mériterait des thèses, des essais et des débats enflammés. En dehors de Röhm, combien de gays anonymes allemands convertis au nazisme sous Hitler ? Sauver sa peau en menaçant celles des autres reste encore l’adage pour certains homosexuels africains. Toutes ces histoires, ces parcours de vie sont autant de leçons et chacune donne à réfléchir lorsqu’on entend et que l’on voit partout en Europe et ici même en France de nos jours, des gays plus ou moins revendiqués comme tels, dans une société pourtant plutôt pacifiée, se convertir à la manif pour tous ou militer activement pour l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite. « Je veux faire carrière » ou « je veux faire parler de moi » semblent être deux ambitions, deux moteurs très puissants, plus puissants que cette vulgaire homosexualité, ce détail insignifiant que certains pensent sûrement pouvoir facilement mettre de côté comme un vilain petit démon. Pourtant l’Histoire, cette grande coquinette, nous apprend que Röhm fut abattu froidement sur ordre de son vieux pote et dernièrement, un haut gradé de l’organisation jihadiste, gay auto placardisé et grand amateur de jeunes garçons fut découvert (outé, ça fait pas trop jihadiste !), jugé, fouetté et aussitôt expédié au front, autant dire expédié à la mort. Deux histoires, une même leçon.