D’après mon expérience, il est souvent bien difficile de trouver des informations sur la personnalité d’un photographe. Peut-être faut-il considérer que leurs photographies valent toutes les interviews. Qu’il suffit de regarder leurs œuvres pour les connaître et les comprendre. Cela vaut très certainement pour Elvis Di Fazio, dont le site officiel fournit bien peu d’informations le concernant.
Quelques paragraphes lambda avec des phrases joliment tournées qui sont agréables à lire et donnent une consistance savante, mais qui au final ne nous avance pas à grand chose. Exemples traduis de mes petites mains : « Elvis est Le contact ajouté aux favoris de tout éditeur quand il est temps de penser un peu plus grand, plus audacieux ».
« [Ses photographies] sont parfaitement équilibrées avec une exploration artistique subversive et exécutées impeccablement comme seul Di Fazio est capable de le faire ». Évidement, il est « en constante évolution » et il « repousse les limites ». Mieux : « Bien plus qu’un simple photographe avant-gardiste, Di Fazio combine les beaux-arts, le marketing et les médias numériques pour sculpter le paysage de la mode australienne qui l’entoure. » Nous voilà effectivement bien avancé !
Je ne sais pas si Elvis Di Fazio a écrit lui-même cette présentation où s’il s’agit des mots d’un communicant. Pour moi, en tout cas, la petite bio expresse du photographe sur son site officiel ressemble à celles que l’on retrouve dans les premières pages des catalogues d’exposition à l’entrée des galeries d’Art. En fin de compte, peut-être est-il préférable de regarder l’œuvre et essayer de comprendre.
Elvis Di Fazio à travaillé pour de grands magazines, comme Rolling Stone ou Harper’s Bazaar. Il a également travaillé pour de grandes marques, comme Pepsi ou Ralph Lauren. Il n’a pas exclusivement photographié des modèles masculins mais c’est pourtant par l’angle fortement homo-érotique de son œuvre que j’aimerais vous le présenter. N’étant pas aussi doué qu’un communicant de galerie d’Art, voici un petit mélange pêle-mêle de ce que je pourrais qualifier comme étant la patte du monsieur.
Tout d’abord, le regard du modèle. Il est presque exclusivement tourné vers le photographe. On n’est rarement dans la position de voyeur avec Di Fazio. On regarde ce que le photographe voit et le contact visuel est omniprésent.
Que le modèle soit souriant ou dans une de ces poses lascives qu’affectionne le photographe, regarder une photographie de Di Fazio, c’est très souvent regarder le modèle en face. Ces regards vous accrochent, avec tout le trouble que cela sous-entend. Surtout que le modèle occupe une grande part du cliché. C’est d’ailleurs l’aspect élémentaire des photos de Di Fazio, le modèle est au centre de la composition. Il en est la vedette. Le but même de la photographie.
Si certains de ses clichés sont en noir et blanc, la couleur domine chez Di Fazio. Elles sont vives, un poil saturées, limite acidulées. Un univers sucré dont le modèle est la friandise. L’arrière plan n’est jamais anodin, il donne un cadre à la photographie, un décors au modèle et un univers, un imaginaire à celui qui regarde.
Elvis Di Fazio étant australien, cela explique sûrement sa prédilection pour les arrières plans ensoleillés. Je dirais même que le soleil est à son zénith, l’ambiance est plus qu’estivale, elle est aride et sèche. Ça tombe bien car les modèles sont presque toujours photographiés en short ou en slip de bain. Les bermuda sont débraguettés et les T-shirts échancrés, quand ils ne sont pas carrément absents.
Les corps sont souvent luisants. Les cheveux sont humides. Il fait moite dans une photo de Di Fazio. On étouffe. Le besoin d’eau est évident et il transparaît dans de nombreuses compositions. Coup de bol, l’eau apparaît effectivement dans certains clichés. Qu’elle jaillisse de tuyaux d’arrosage ou d’une borne de distribution, elle n’a alors qu’une même et unique utilité. Apaiser et rafraîchir. Retomber par jets sur des modèles en proie au chaud, alanguis comme autant de galets sous le soleil brûlant. De l’eau pour faire baisser la température du modèle tout en augmentant celle de celui qui regarde.
Les modèles version Di Fazio sont avant tout des corps. En tout cas, on ne peut pas dire qu’il s’agit de portraits. Regarder une photo de Di Fazio ne nous apprend pas grand chose sur la personnalité du modèle photographié. La très grande majorité sont des modèles professionnels, ce qui sous-entend que Di Fazio opère un choix. Pas de jeunes freluquets évanescents, pas de surhommes bodybuildés non plus.
Plutôt un profil type de beaux gars entre vingt-cinq et trente-cinq ans, assez athlétiques, voire musclés. Des modèles masculins BCBG tels ceux que l’on retrouvent dans les publicités pour les parfums ou les magazines de modes. Encore un coup de bol, c’est justement pour ce type de marque ou de presse que Di Fazio travaille le plus souvent. On pourrait dire que si la personnalité des modèles ne ressort pas franchement de ses photographies, regarder plusieurs séries de photos permettent en revanche de définir un aspect de la personnalité de Di Fazio. Une appétence personnelle et professionnelle pour les jeunes hommes sportifs.
Disons-le en bref, pour les modèles au look hétéro et surtout pas efféminé. En d’autres termes, on pourrait caricaturer sa photographie en disant qu’elle véhicule la quintessence du cliché éculé : les gays fantasment sur les hétéros. Car nul doute que le spectateur final de la photographie version Di Fazio n’est pas la demoiselle amatrice de bogoss sur papier glacé. Je n’ai lu nulle part que Di Fazio était gay mais disons que sa participation récurrente à de très nombreuses publications LGBT laisse planer un doute assez minime.
Donc, des corps musclés de modèles professionnels jeunes qui prennent la pose dans un décors souvent sommaire : une ruelle, un jardin, allongés sur un lit ou debout contre un mur. Dans l’une des rares interviews du photographe que j’ai pu retrouver, Di Fazio déclare :
« Il m’est récemment apparu que je suis un homme à jambes. Cela peut sembler une révélation étrangement retardée pour quelqu’un qui écrit sur le sexe toute la journée, mais j’ai passé si longtemps à penser que je suis un homme de cul (et je le suis toujours) que cela ne m’est jamais venu à l’esprit. J’adore les jambes. Peu importe qu’elles soient poilues ou lisses. Enroulez-les autour de moi et je serai au paradis. »
Je compléterai en rajoutant que l’entre-jambe de ces messieurs fait aussi et sûrement parti de ses prédilections. La photographie type reste celle d’un beau garçon torse poil, dans une pose improbable, les jambes entrouvertes sur un slip blanc ou un maillot de bain, et qui vous regarde, droit dans les yeux avec ses yeux de braise. Un regard tour à tour complice, envoûtant et même parfois engageant. Un regard qui n’est jamais neutre. Au départ en direction d’Elvis Di Fazio, et dont on profite pleinement, par pure coïncidence.
« Pour moi le sexe et l’humour vous éloignent très loin de vos problèmes et du stress de la vie. Si vous pouvez les mélanger, quelle recette ! » Voici en quelques mots donnés par Di Fazio lors d’une de ses rares interviews l’essence même de son œuvre, de son regard photographique. Ces photographies sont de celles qui vous racontent une histoire. Elles se prêtent à l’imagination. Certaines sont purement érotiques quand d’autres créent des parodies humoristiques. Et derrière l’objectif, Elvis Di Fazio se façonne au fil des ans une identité de playboy, amateur gourmand de boy toys, sexuellement omnivore, sans jamais verser dans la nudité crue ou la pornographie.
En fin de compte, je comprends mieux pourquoi les interviews du photographe sont si rares. Nul besoin de mots quand il suffit de regarder.
Pour la route, ce petit court métrage réalisé par Di Fazio en 2014 pour la soirée de clôture de l’Australia’s Gay and Lesbian Mardi Gras de Sydney. « Marry me » avec Mathew Clarke sur une musique de Macklemore (same love – 2013)
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commentaires
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un photographe mystérieux mais il y a un point qui ne fait aucun doute, il est joyeux !!