Qu’il est reposant d’être hétéro

J’ai été hétéro trois jours. Ça m’a pris comme ça. J’avais eu envie de vacances depuis des semaines et je m’étais trouvé une petite chambre d’hôte toute mi-mi au milieu des bois dans une belle et grande demeure familiale, à quelques kilomètres de superbes montagnes avec des vues à couper le souffle. J’avais réservé pour trois nuitées et j’étais arrivé tout guilleret à l’heure prévue chez ce couple de retraités bien sympas qui louait deux autres chambres. Je suis arrivé pile poil pour le petit déjeuner. Il y avait déjà deux autres couples que les retraités hébergeait. Le premier, c’était de jeunes trentenaires qui venaient du Nord. Le second, un autre couple fraîchement marié en goguette. Ils avaient passé leur lune de miel au soleil et, après leur retour, s’étaient dit qu’un petit week-end en amoureux, ça le ferait bien. Comment le sais-je ? Me demanderez vous très justement. Et bien parce que je me suis assis avec eux autour de la table et nous avons tous pris un petit café ensemble. Ils voulaient tous me connaître.

Je sais que les jeunes mariés attendent un enfant prochainement et qu’un autre petit week-end comme celui là ne se profilera pas de sitôt. Je sais même que ce sera une petite fille. Autour de la table, tout le monde était attendri. Les trentenaires ont parlé de leurs deux garçons restés chez les grand-parents. Je sais comment ils s’appellent, leur age et dans quelle classe ils sont. Je n’ignore plus rien de leur côté turbulent et j’ai aussi bien ri lorsqu’ils m’ont fait un petit résumé de leurs dernières bêtises. Évidemment, toutes ces histoires d’enfants ont réveillé les souvenirs pas si enfouis que ça de notre couple de retraité. J’ai donc tout appris de leur grande fille et de leurs trois petits enfants merveilleux qu’ils ne voient pas assez souvent à leur goût. Pour finir, tous se sont tourné vers moi, le seul célibataire de la table et les regards ne semblaient vouloir poser qu’une même et unique question. Et vous ? Et là, ça m’a pris.

Je viens de divorcer, me suis-je surpris à dire. Mais je suis heureux comme tout, presque soulagé, ai-je continué. Tout les regards se sont ému. J’étais au centre de la conversation. Je me suis imaginé des problèmes de couple, des difficultés financières et j’ai parlé de mes neveux comme de mes enfants. Mais qui aura la garde ? S’est enquis le retraité, l’œil triste. Pour l’instant, ai-je poursuivi, le divorce n’a pas été prononcé et les enfants sont chez ma future ex. Comme la séparation est toute récente, je voulais absolument partir me ressourcer, voilà pourquoi je suis des vôtres à présent. Je leur ai demandé de m’excuser par avance si durant ce week-end je m’isolais un peu ou si je n’étais pas très communicatif. Tout le monde me comprit.

Le week-end s’est super bien déroulé. Je leur ai même montré des photos de mes neveux. Nous avons fait des balades ensemble. J’ai passé mes soirées pépère dans ma chambre après avoir écourté les diners. Je me racontais, et m’inventais avec moult détails à chaque petit déj dès que le sujet de “ma situation” revenait sur le tapis. Chaque après midi, ils comprenaient que je ne veuille pas les suivre dans leurs sorties montagnardes, que je préfère faire mes périples en solitaire pour me retrouver, vu ce ce que je vivais. J’étais bien. Très bien. Je ne me suis même pas senti coupable quand nous nous sommes quittés et dit au revoir à grandes embrassades. Même pas une seconde, c’est dire….

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