Je sais que nous vivons en ce moment un bel été tout beau, tout chaud (voire même trop) mais le devoir m’oblige à assombrir quelque peu ce mois d’août torride par cette nouvelle qui, j’en suis sûr, vous laissera sans voix et les yeux tous ronds : Jim Ferringer est mort ! Pire, il est mort il y a presque un an. Le 10 septembre 2018, en fait. Autant dire qu’il n’en reste déjà plus rien.
Pour être honnête, je m’en suis rendu compte début juillet alors que nous vivions ce si beau moment de football mondial féminin et tout et tout… Celui censé nous avoir tous et chacun profondément passionné et rendu fan à vie de Megan Rapinoe.
Quand je pense que je m’étais rendu compte de la mort du photographe Tony Patrioli en plein championnat d’Europe de foot féminin l’an dernier. Je pourrais presque dire qu’à chaque fois que des footballeuses se retrouvent pour taper du ballon lors d’un championnat important, c’est de mauvaise augure ! Vous allez me dire que tout le monde s’en fout de Jim Ferringer. Peut-être viviez-vous d’ailleurs très bien et tranquillement sans lui jusque-là ? Peut-être ne vous êtes-vous jamais soucié de ses montages ou de ses collages artistiques abstraits ? Alors vous ignoriez sûrement que ce plasticien de 65 ans s’était mis à la photographie sur le tard ? Des photographies de trois fois rien, à vrai dire. Juste des photos comme celle-ci :
Selon la nécrologie que j’ai pu trouver en ligne sur le site américain legacy.com, James E Ferringer laisse derrière lui une veuve, Sue, et une fille, Morgan. Apparemment, il était hétéro ! C’est dire l’intérêt que revêt d’un coup tout son univers photographique. Outre la traditionnelle biographie express, le paragraphe sur sa veuve, son importance dans la communauté (on est aux States !) et ses qualités de cuisinier et son amour du jardinage, le texte donne les heures de visite et cite les membres de sa famille.
Une nécrologie en bonne et due forme qui met aussi et surtout l’accent sur les études d’art de Ferringer et sur son parcours artistique, la colonne vertébrale de sa vie toute entière. Manque juste un détail. Une peccadille. Quel sujet artistique entêtant a-t-il bien pu traverser l’imaginaire de Ferringer au point de faire bifurquer le décorateur d’intérieur et le peintre abstrait des origines vers la photographie ? L’ameublement et l’aménagement se nourrissent pourtant de l’imagination. Les collages, les montages, les tableaux… autant de moyens d’expression, même abstraite. Quelle part d’imaginaire ne pouvait-il aborder par ces moyens là ? Que lui manquait-il donc ? Dans son livre de photographies intitulé « portraits » en 2017, Ferringer explique avec ses mots à lui l’essence de cette obsession artistique intime, mystérieuse et dévorante :
I have never understood why the female nude is acceptable everywhere in modern society, while the male nude is still taboo. I hope my work encourages people to see that there is no reason for this paradox.
Je n’ai jamais compris pourquoi la nudité féminine est acceptable partout dans notre société moderne tandis que la nudité masculine reste tabou. J’espère que mon travail encourage les gens à se rendre compte que ce paradoxe n’a aucune raison d’être.
Un intérêt, peu banal, de l’homme marié pour la nudité masculine dans l’art qui n’a pas vraiment été décodé par l’auteur de la nécrologie sur legacy.com. Aucune allusion aux obsessions photographiques tant appréciées par le défunt qui pourtant avait déclaré y passer des heures, 7 jours sur 7 dans son atelier. Quant à la sexualité ambiguë de l’artiste : mystère.
As an artist who is gay, I guess it is natural to be attracted to the male form.
En tant qu’artiste gay, je suppose qu’il est naturel d’être attiré par les formes masculines
A croire que personne ne lisait Vitruvian Lens à Legacy.com. On peut donc supputer qu’aucune copie du magazine n’était aux funérailles ! Mais, allez-vous me dire les mains sur les hanches, et sa veuve, Sue ? La pauvre !
Et bien d’après ce que j’ai compris, son nom complet serait Susan Dillon Ferringer, et ce serait elle qui se serait occupé du design graphique, de la mise en page et des corrections textuelles du livre « portraits ». Qui a dit que les femmes n’étaient pas de grandes compréhensives ? Reste cette dernière question qui, je le sais, vous brûle les lèvres : pourquoi des photos puisque Ferringer savait peindre ? Il aurait pu peindre des hommes nus à foison ? J’avoue ne pas connaître la réponse. Me vient uniquement à l’esprit cette devinette, ou petit quiz : a/ je peins selon mon imagination. b/ je photographie ce que je vois.
D’après ce que j’ai lu, James Ferringer avait du mal à trouver des modèles masculins qui acceptent de poser nu dans l’État de l’Indiana. Au vu de la quantité de photos qu’il a réalisé, on peut dire sans trahir sa mémoire qu’il s’accrochait. Quand on veut, on peut ! Et on trouve, pourrais-je ajouter au dicton ! De là à sous-entendre que chercher des beaux gars acceptant de poser nu faisait peut-être partie du process artistique… je suis comme vous, je me demande bien qui pourrait croire ça ?
L’œuvre que Ferringer laisse derrière lui est assez vaste. Elle comprend de la peinture abstraite que je serai bien en peine d’analyser ou de tout à fait comprendre, n’étant pas un spécialiste.
La photo du pseudo christ qui semble se caresser sur sa croix noire sous un triangle rose donne davantage dans l’érotique que dans le biblique. Chaque photo est travaillée avec minutie. Ferringer appelait ça : l’art de la photo manipulée. Pour sophistiquer tout ça, il superposait aux fonds unis des grammages, des effets techniques et des calques de textures qui accentuent le caractère onirique des scènes. Une certaine théâtralité inspirée des œuvres de Goya, Carravaggio ou Jacques-Louis David, ses peintres de prédilection.
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commentaires
coucou merci de rendre hommage à cet artiste injustement méconnu !!