Avant internet, Madonna était le premier réseau gay au monde

En 1985, j’étais au collège, je sentais confusément que j’étais un peu différent et je sentais que le collège n’était pas le lieu le plus approprié pour me confier à qui que ce soit. J’étais seul avec cette confusion et pourtant je ne m’en portais pas plus mal pour autant. Pourquoi ? Parce que j’avais Madonna.

pochette du disque into the groove
Madonna – into the groove

Madonna est entrée dans ma vie en 1985 avec “Into the groove”. Et pour vous situer le tout frais collégien que j’étais, je ne savais même pas que c’était la bande originale d’un film (“Recherche Susan Désespérément” pour ne pas le nommer). D’ailleurs, je ne savais même pas qui était Madonna ! J’avais entendu la chanson à la radio, elle avait raisonné comme un appel. Plus qu’une chanson, c’était un rythme, un univers musical qui m’appelait, moi qui n’avait rien demandé !

A l’époque, puisqu’il faut bien s’exprimer ainsi, il n’y avait ni internet, ni chaîne musicale. Et croyez-le ou pas, j’ai mis un an à mettre un visage et un nom à cette musique qui me semblait venir d’un monde de fêtes bien plus modernes que les fêtes de fin d’année en primaire auxquelles j’avais participé jusque là, plus jouissives encore que les soirées variétés de la télé chaque samedi soir en pyjama entre mes parents. En une chanson, Madonna me faisait réaliser combien je m’emmerdais dans ma commune rurale, combien un monde meilleur existait, ailleurs. En 1985, j’ai été sauvé par la madonne. C’est pas rien !

Dans ma petite vie communale, le grand jeu concours du collège était de mettre un coup de poing dans les couilles des gars pour voir s’il crierait. Si c’était le cas, c’était gagné pour lui, il y avait bien quelque chose entre ses jambes, il n’était pas une tapette. S’il ne criait pas, ce n’était pas une tapette non plus, c’est qu’il savait encaisser les coups comme un vrai mec. Allez comprendre…. Bref, tous le monde gagnait, aucune tapette dans mon collège rural. Sauf que…. Sauf que Madonna arriva !

Les collégiens d’aujourd’hui perdent quelque chose avec internet car à l’époque, si on voulait avoir des disques, des photos, lire des articles sur Madonna (ou qui que ce soit d’autre) il fallait payer ! Or nous étions ados, donc pauvres. Je dis nous car nous étions plusieurs à nous échanger les magazines, les photos et les disques pour les copier. Et comme dans le collège il n’y avait pas de tapettes, qui, mais qui aurait pu se douter que tous ces ados pré-pubères un peu sensibles, gays en gestation chacun dans son coin, se rencontreraient par ce biais là, au milieu de mon petit collège rural ?
On en discutait à l’entrée du collège, à chaque récré, à la cantine, après la sortie. On se parlait d’un magazine qui venait de sortir, d’un maxi 45tours qu’untel avait et dont il fallait aussitôt faire la connaissance. On découvrait que le lourdaud de la classe en était dingue, qu’un autre, en cinquième, tout chétif et tout discret avait recouvert les murs de sa chambre avec des photos d’elle. On s’échangeait nos numéros de téléphone. On se retrouvait dans les boums. On rencontrait des troisièmes qui était fans, des quatrièmes aussi. Des fans à chaque niveau, dans mon collège sans tapettes, il y en avait des tas ! Madonna, un vrai réseau social.

Et les filles alors. Il y en avait, c’est vrai. Beaucoup même. Pourtant, allez savoir ? Était-ce parce qu’elles ne l’aimaient pas de la même manière ou parce qu’elles n’étaient pas autant investies dans le fanatisme ? Il leur manquait toujours un je ne sais quoi qui les différenciaient. A l’époque, on aurait été bien incapable de vous dire quoi ?

 

“The dance floor was quite a magical place for me. I started off wanting to be a dancer, so that had a lot to do with the song. The freedom that I always feel when I’m dancing, that feeling of inhabiting your body, letting yourself go, expressing yourself through music. I always thought of it as a magical place – even if you’re not taking ecstasy. Hence that came to me as the primary inspiration for ‘Into the Groove'”. (Madonna)

« La piste de danse était vraiment un endroit magique pour moi. J’ai d’abord voulu devenir danseuse, ce qui a beaucoup de rapports avec la chanson. C’est la liberté que je ressens quand je danse, le sentiment de posséder son corps, se laisser aller, tout en s’exprimant à travers la musique. Je l’ai toujours considéré comme un endroit magique — même si vous n’avez pas pris d’ecstasy. Ainsi, cela fut pour moi la première inspiration pour la chanson.»
(Madonna)

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.