Le destin est coquin. Deux informations se télescopent par le pur hasard de la vie et ce sont pile poil quelques visages de notre réalité à tous qui ressurgissent. Des visages violents, chacun à leur façon.
Visage 1
Dimanche 26 Août, dans l’avion qui le ramenait d’Irlande, un journaliste demande au pape ce qu’il conseillerait à un père auquel son enfant confierait son homosexualité. Le pape inspire un grand coup et son visage se raidit. Il est affecté par la gravité sans fond de cette réalité préoccupante. Voici son conseil : » Je leur dirais premièrement de prier, ne pas condamner, dialoguer, comprendre, donner une place au fils ou à la fille, puis : » quand cela se manifeste dès l’enfance, il y a alors beaucoup de choses à faire par la psychiatrie, pour voir comment sont les choses. «
Visage 2
Samedi 18 Août, à l’entrée d’une discothèque gay bordelaise, Damien Loret reçoit trois coups de poing après avoir été traité de » sale pédé » et de » tapette » pour une histoire de téléphone. L’agresseur, accusant Damien Loret ou une amie à lui de le lui avoir volé, » était très énervé et agressif […] Je pense que si les videurs n’avaient pas été là, mes blessures auraient été beaucoup plus graves. » Évidement, on pense au meurtre. Quand on connaît l’urgence de l’objet dans la socialité de certains, qu’est-ce qu’une vie ? Reste le visage de Damien, posté sur les réseaux sociaux.
Visage 3
Aucune photo du visage de l’agresseur plein de haine dans le feu de l’action, mais nous pouvons l’imaginer sans peine, quelques jours plus tard au commissariat. Il a le visage solennel de celui qui va être puni et qui espère les circonstances atténuantes.
Imaginez-le jurant le coup de folie, la montée de sang virile d’un pauvre gars qui ne voulait sûrement pas en arriver là. Il est gentil, sinon.
Il était juste énervé alors il a tapé dans une tapette comme un paysan énervé shooterait dans une poule en sortant du poulailler. Pour se calmer et parce qu’elle passait.
On ne va quand même pas faire tout un flanc pour un coup de botte crotteuse dans le cul d’une poule. Même si cette dernière à planer plusieurs mètres pour atterrir le bec en avant dans la merde.
Comme nous vivons une époque de réseautage intensif ou toute parole est partagée, re-tweetée et commentée à l’envie, les mots du pape ne sont pas passés inaperçus. Depuis, la presse religieuse fait son possible pour expliciter le propos papal et prouver par l’étude de texte et du mot qu’en fait, le pape a bien dit ça mais qu’il fallait comprendre autre chose, et que cet autre chose correspondait en tous points aux canons de ce qu’il faut dire, sauf que l’on ne s’en était pas encore rendu compte. Quoi qu’il en soit, reste encore et toujours ce visage que l’on connaît bien. Celui du sachant religieux discourant sur les graves afflictions de la vie terrestre comme l’homosexualité.
Pour les parents, face au tourment, il y a la prière. Il ne reste d’ailleurs souvent plus qu’elle. Intensive. Mais comme nous sommes au XXIème siècle et qu’on s’intéresse au bien être mental du malade, même handicapé, il y a l’écoute. Cette bonne et longue écoute paternaliste, pieuse et condescendante. Éternellement accompagnée de sa vieille et fidèle amie, toujours prête à sortir de sa naphtaline miséricordieuse, pleine de charité: la compassion. Prier, écouter l’enfant homosexuel et compatir. N’est-ce pas ce qui s’est toujours fait de mieux dans l’histoire ? Avec les lépreux, les galeux… Rappelez-vous toutes ces époques noires et ces infections diaboliques et sombres que furent la peste noire, les épidémies de varioles ou de choléra. Et maintenant l’homosexualité, qui touchent même nos enfants… !
Il y a quelques mois encore, le mouvement #BalanceTonPorc battait son plein et les réalités de ce que vivaient les femmes depuis des temps immémoriaux remontaient à la surface. Avec ce mouvement, des mots était repensés et des expressions toutes faites étaient dénoncées.
Des expressions poétiques comme » crime passionnel « , ou élégante, comme » victime de violence conjugales « . Un jargon soigné qui nous vient de la grande littérature romanesque, fruit d’auteurs souvent masculins. #BalanceTonPorc avait, entre autre, pour ambition d’exposer la réalité vue par les femmes et nommer plus justement » l’amant impulsif, le coureur de jupons, le mari jaloux ou l’amoureux possessif « . Les nommer pour ce qu’ils sont d’un point de vue féminin, c’est à dire des porcs. Il faut faire le parallèle entre le mouvement #BalanceTonPorc et tous ces selfies de visages tuméfiés après agression.
Ces visages tuméfiés d’homosexuels passés à tabac au détour d’une rue. L’homosexualité n’ayant pas eu, autant que les femmes, l’honneur de la littérature et des mots choisis, nous n’avons pas eu droit à » gonzesse, nana, meuf, amante, chaudasse, égérie, demi-mondaine, coincée, concubine, courtisane ou croqueuse d’hommes « . Nous n’avons cependant pas été oubliés pour autant, loin de là : » fiotte, pédale, tante et toutes ses variantes, tarlouze, tata, tapette « . Des appellations qui sont toutes synonymes de » merde » et qui n’appelle qu’à une seule activité : casser du PD. Ce qui veut dire se défouler.
Comme shooter dans un sac poubelle à défaut d’un punching ball. Combien d’agresseurs avec cette idée là en tête ? Un coup de trop, une envie de se lâcher, un sac poubelle qui passe. Combien d’agresseurs au commissariat minimisant les faits ? Pour combien de personne se disant que si le gay s’est fait tabassé, c’est probablement parce qu’il faisait la follasse ? Que s’ils étaient deux, c’est qu’ils s’embrassaient goulûment dans la rue, autant dire qu’ils tournaient un porno ? Combien d’agresseurs excusés par des origines sociales défavorisées ? D’agresseurs presque blanchis par des écoutants compréhensifs ? Des écoutants charitables qui savent bien, qui comprennent bien qu’un lépreux, un galeux ou un gay peuvent provoquer la haine et la colère. Face à ces visages, il reste les selfies. Pour la prise de conscience. Pour montrer toutes les conséquences de tous les visages de l’homophobie. Pour le témoignage présent, pour la mémoire aussi, les archives.
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