Dans le monde entier, chaque culture développe son idéal de beauté en fonction de son histoire et de l’imaginaire qu’elle projette, volontairement ou pas. Je ne saurais dresser ici une liste exhaustive des différents canons du genre selon les continents et les pays mais une chose me semble certaine, les États-Unis ont bien le leur.
Un canon de beauté qui, comme à leur habitude, est propagé dans le monde entier comme s’il était l’alpha et l’oméga du canon occidental absolu. Je veux parler du bœuf américain. Attention, pas celui que l’on retrouve dans les hamburgers ni celui qui trône à la maison blanche. Non, je veux parler du bœuf américain dans l’érotisme et la pornographie homosexuelle. Allez sur un tube porno gay et cliquez sur la première suggestion venue, vous verrez, les bœufs américains y sont partout et par troupeaux. Mais peut-être devrais-je d’abord commencer par vous décrire ce que j’entends par un bœuf américain.
Je pense que le bœuf gay américain est rien de moins que l’étalon-or de tous les fantasmes gay yankees. Oh je vous entends déjà vous dire que oui mais heu… l’étalon-or, qu’est-ce ? Et bien avant tout, décevons les lubriques parmi vous : l’étalon-or n’est pas un gros sex toy ! C’est plutôt une sorte d’unité de compte dont les unités correspondent à un poids en or.
Ce poids est fixe et il est reconnu comme tel internationalement. Toutes les monnaies existantes peuvent donc être converties en or selon cette unité de mesure unique. L’étalon-or est une référence. J’en reviens maintenant à ce que j’affirmais en début de paragraphe, à savoir que le bœuf gay américain est selon moi l’étalon-or, c’est à dire la référence qui définit tous les autres fantasmes gay de l’industrie érotique et pornographique yankee. Comme je sens que je vous perds, je vous explique. Prenons un exemple.
Les américains, qui adorent l’esprit de communauté, ont inventé la « catégorie » des Bears. Un Bear est un nounours dodu, un solide gaillard à la pilosité plus ou moins fournie et au physique enveloppé très-très masculin, très-très-très viril. L’appellation nous vient des années 70 où elle vit le jour en réaction à, je vous le donne en mille : …en réaction au stéréotype formaté de la beauté gay imposé par les magazines érotiques et la pornographie homosexuelle. Un Bear est donc plus masculin, plus poilu et plus gros que quoi ? Qu’un bœuf gay américain ordinaire. C’est un double bœuf dirait-on chez Mc Do. Deuxième exemple, autre communauté. Celle des Twinks. Un Twink est un jeune homme fluet et imberbe. Là encore, plus fluet et moins poilu que quoi ?
Si l’on se réfère à mon étalon-or du début, on peut dire sans trop se tromper qu’un Twink est, dans l’imaginaire érotique gay américain, un peu une demi portion de bœuf. Une côte de bœuf en quelque sorte !
Si l’Afrique a donné naissance à l’équipe de foot « Les Lions indomptables », ce n’est pas un hasard.
Je sais que l’on vit une époque où le politiquement correct est une loi quasi divine mais le cliché de l’africain musclé et longiligne comme un félin avec son regard de panthère existe bel et bien. Et nombreux sont ceux qui, rien qu’en croisant un de ces bellâtres dans la rue, se rêvent au choix : dompteur de fauves ou proie offerte, grand explorateur d’ébènes ou fin dégustateur en cacao, voire expert averti en outillages africains divers et surtout variés. Avouez que si l’Afrique renvoyait à l’image du dromadaire ou de l’hippopotame, le fantasme de l’africain serait carrément tout autre.
Maintenant vous ne me croirez sûrement pas mais figurez-vous que le bœuf américain ne véhicule absolument pas la même image que le félin africain !
Il y a bien une notion de puissance et de virilité mais aucun rapport avec la force tranquille du tigre ou du guépard. Le tigre, comme le guépard d’ailleurs, évoque une finesse, une certaine adresse que l’on associe volontiers à la chasse, à la traque dans la savane.
Or, et j’y suis vraiment pour rien, il se trouve que cette finesse, cette certaine adresse nonchalante et cette virilité sereine ne sont quasiment jamais ou très très rarement les premiers qualificatifs qui viennent à l’esprit quand on regarde un bœuf. Enfin en tout cas pas spontanément !
Nous connaissons tous ces photographies d’un autre temps, celui des premières revues homo-érotiques américaines des années quarante à soixante. Ne me dites pas que jamais vous n’avez entendu parler des Beefcake Magazines ?
Rien que le nom justifie mon appellation de bœuf gay américain. Qu’elles se soient appelées Physique Pictorial, Young Physique ou encore Muscle Boy, toutes, dès leur titre, annonçaient la couleur, même en noir et blanc : du physique, des muscles… et du bœuf ! Pas de Modes et Travaux façon comment aménager son bungalow quand on y vit à moitié nu, pas de Conseil Beauté dévoilant les secrets d’un string bien ajusté, encore moins de rubrique Introspection Psychologisante informant le lecteur pourtant très sûrement avide de savoir comment vivre, lui aussi, son homosexualité au grand jour en slip de bain sur une plage de rêve ensoleillée.
Non, rien de tout ça. Juste… du bœuf ! Peut-être quelques phrases rigolotes par-ci, par-là sur comment entretenir ses cuisses galbées, comprendre et travailler son corps, l’appel de la vie saine, l’urgence du sport, l’importance de l’eau et blablabla… Des fois qu’un lecteur aurait acheté le magazine pour n’y regarder que ça. Mais surtout, surtout et avant tout : pas de poil. Surtout pas ! D’où l’intérêt du double bœuf …enfin je veux dire du Bear.
Imaginez à présent toutes ces plages californiennes, Muscle Beach, l’intégralité des photographies de Bob Mizer, Rock Hudson, les couvertures de magazines de cinéma avec Robert Wagner torse poil, les photos sexy d’Elvis ou de Marlon Brando. Et bien dites-vous que tous autant qu’ils étaient, ils n’étaient en fait rien que des copieurs. Des bien vilains qui n’avaient strictement rien inventé du tout ! Le bœuf américain existait déjà bien avant eux.
Il existait même déjà avant Douglas Fairbanks. Lui qui avait vu le jour en …1883. Là, je vous imagine sans voix !
Ah l’Amérique… Celle des origines. Enfin pas vraiment celle des tous débuts quand même. Pas celle avec les pèlerins bigots couverts de la tête au pieds ne vivant sur terre que dans l’espoir d’aller aux cieux. Disons plutôt l’Amérique d’après, celle de la conquête de l’Ouest.
Celle des immenses prairies et de ses vastes troupeaux de vaches. Celle de son viril cow-boy. Lui, le pionner. Le bœuf américain originel. Celui qui parle peu et qui commande son troupeau par onomatopées.
Celui qui ne s’embarrasse pas d’introspections psychologisantes ni d’aménagement extérieur de son campement à l’arrache et à la belle étoile. Celui qui est, tout simplement. Simple, serein et athlétique. Armé, c’est évident parce qu’il faut bien se défendre. Et souple du bassin aussi. Lui qui chevauche avec nonchalance sa fière monture. C’est de cette vision du bon gars nourri aux bons grains américains que sont nés tous les Rock Hudson, les Robert Redford et les Brad Pitt.
Le cowboy comme un bon gars de la campagne. Ce n’est ni un hors la loi aux yeux de fou à la Jesse James, ni un intello gringalet à la Abraham Lincoln.
Le fameux boy next door d’aujourd’hui est le descendant direct du jeune et joli vacher dans sa prairie. Un corps sain et bien fait, élevé en plein air et sans trop de truc intellectuello psychologisants dans la tête. Ajouter une petite louchée de religieux, car après tout on est aux States, et vous aurez ce que l’Amérique décline ad nauseam dans ses publicités, ses séries tv, ses films, sa photographie homoérotique et sa pornographie gay : de beaux mecs finalement assez interchangeables.
Si dans les publicités et dans la photographie homoérotique on nous épargne toutes onomotopées pour ne garder que la plastique, dans les séries Tv, dans de très nombreux films de guerre, de bagnole, d’humour potache ou d’action, les boys next door parlent.
Ce qui donne ça : Yeah… ! Fuck… ! Come on… ! Yeah… ! Fuck you ! Shit… ! Shut up… ! My God… ! Fuck yeah …. ! Pensez maintenant aux tags populaires des tube gay comme ride ou doggystyle et vous obtenez la grande majorité des scènes de sexe du porno américain des grands studios. Des scènes de sexe sans poil à l’hygiène irréprochable dans lesquelles s’ébattent dans des positions chorégraphiées et hautement sportives des beefy guys interchangeables, plus ou moins gay ou gay for pay. Des dialogues qui relèvent du cri ou de l’interjection, un érotisme expédié et une interaction bovine qui, en dépit des sourires ultra brite et autre happy face de rigueur, donnent à l’ensemble un côté un peu, comment dire ? Allez j’ose le mot, un côté un peu « viande ». Un peu bœuf.
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commentaires
coucou je ne trouve pas comment s'abonner à ton blog !! ... peux-tu m'indiquer comment faire ?
Je n'en ai pas, il faudra justement que je vois comment mettre ça en place.