Ça y est, ça y est ! Enfin votre vie a du sens. Non que votre vie n’en avait pas jusque là mais il lui manquait un petit quelque chose. Ou plutôt une multitude de petits quelques choses, pour être exact. Des petits objets, d’abord. Un selfie souriant fait rien que pour vous et que vous avez fini par imprimer pour l’avoir dans votre portefeuille. Une place de théâtre, un ticket de cinéma ou une note de restaurant toute chiffonnée et connement banale pour qui ne saurait y voir le talisman qui à marqué le grand début de tout. Des chiffres, ensuite.
Comme ce numéro de téléphone que vous commencez à connaître même à l’envers. Un âge et une date d’anniversaire qui ne sont pas les vôtres mais qui sont devenus de nouveaux repères depuis un certain ticket de cinéma. Il ne faut pas oublier les petits quelques choses physiques. Ce regard, dans lequel vous avez sombré corps et âme lors de cet inoubliable premier dîner dans un restaurant pourtant quelconque. Cette voix, unique et forcément mélodieuse. Cette voix qui attend, impatiente, vos dix appels par jour. Cette présence, surtout. Cette présence qui vous réchauffe comme le Dieu Râ, même si ce n’est que pour traverser la rue sous la flotte en plein janvier. Oui, ça y est. Tous ces petits riens se sont réunis d’un coup, un soir et une nuit. Votre vie avait peut être déjà du sens, elle a désormais un but : lui.
Depuis lui, les heures s’envolent et les semaines avec. Vos week-end deviennent chargés et en même temps, ils sont tout légers. Galeries, boîtes de nuits, expos, shopping et promenades n’importe où, vous sortez partout et tout le temps, vous visitez tout et n’êtes jamais rassasiés. Le monde est beau.
Tout n’est plus qu’opportunités. Un banc est un havre où vous vous reposez entre deux boutiques de fringues, côte à côte, cuisse contre cuisse. Un petit troquet au détour d’une promenade champêtre est l’occasion d’un petit café, les yeux dans les yeux. Un recoin de musée, un baiser volé. Un bout de comptoir dans un bar bondé, une bulle toute en tendresse, toute en délicatesse, tout en restant une bulle bien étanche. Il porte à son joli cou la chaîne que vous lui avez offert. Votre poignet arbore fièrement la gourmette à son nom qu’il vous a fait graver. Il est à vous, vous êtes à lui, personne ne doit douter.
Vos profils facebook se font écho. Vos journées de travail respectives ne sont plus que des pauses ponctuées de sms et de selfie par mms. Chaque soir, vos retrouvailles priment sur tout, elles sont urgentes et fiévreuses. Elles ne souffrent aucun contretemps. Une nuit chez l’un. Une nuit chez l’autre. Sa présence vous importe, ses soupirs vous bercent, son odeur est une drogue. Toutes les clés sans exception sont doublées puis échangées. Vous êtes chez lui chez vous, il est chez vous chez lui.
Votre premier chez vous commun vous ressemble. C’est un refuge, un abri dont votre chambre est le cocon. Votre lit en est le nid. C’est de ce nid que désormais chaque matin, vous prenez votre envol. C’est de ce cocon que vous vous traînez jusque dans votre coin cuisine pour y préparer le café de l’amour. Le regarder vous regarder alors qu’il le sirote tendrement est votre film favori. C’est de ce refuge dont vous allez devoir vous extraire avec peine. Devoir vous séparer à contre cœur derrière la porte d’entrée après d’ultimes au revoir ponctués de bisous bisous. Une fois dehors, à peine dehors, vous êtes happés l’un et l’autre par le grand tourbillon de la vaste vie.
Vous ne vous retrouverez que ce soir. Ce sera d’ailleurs le vrai, le seul et l’unique objectif de toute votre journée de travail. Cet objectif vous rend heureux et vous êtes heureux d’être conscient d’être heureux. C’est donc pleinement heureux que vous faites de petites courses sur le chemin du retour du travail.
Un petit dîner maison de vos mains pour votre homme illuminera votre soirée, plus encore que celui que vous lui aviez concocté la veille. C’est un petit rituel que vous voulez mettre en place. Un petit plaisir solitaire que vous dégustez, soir après soir, virevoltant entre poêles et casseroles, la tête pleine de recettes toutes simples mais gorgées de passion.
Les semaines filent comme des étoiles filantes et votre intérieur brille de mille feux, vous y veillez scrupuleusement et quotidiennement.
Vous en avez fait la condition siné qua non pour qu’y rayonne votre homme, votre plus bel ornement. Depuis son emménagement dans votre petit home sweet home romantique, vous l’avez étudiez sans relâche. Vous connaissez ses goûts, ses plats et ses boissons.
Vous connaissez sa garde robe et vous n’êtes pas peu fier de vous balader à son bras, le sachant vêtu de vos achats. En quelques mois, plus rien ne vous échappe. Il sent bon le parfum que vous lui avez offert, tous ses slips sont de vous. Vous connaissez l’odeur de ses vêtements sales, vous savez comment détacher les auréoles sous ses manches de chemises et de T-shirts. Vous pardonnez tout.
Ses chaussures, qu’il laisse choir à l’entrée parce qu’il est fatigué. Le tube de dentifrice ouvert sur le coin du lavabo, la mousse dans la douche parce qu’il n’a pas le temps. Un jour, vous vous rendez compte que vous discutez tranquillement : lui est assis sur le trône, vous êtes en train de vous brosser les dents, en face et à poil. La fusion est totale, vos intimités respectives ne sont plus qu’une. Objectif atteint.
C’est un mini détail qui va vous mettre cette morpionne de puce à votre oreille d’amoureux transi. Trois fois rien à vrai dire. Juste la répétition devenue fréquente d’une ou deux questions toutes bêtes. Tu pourras m’acheter un …(ajouter objet)… en rentrant du travail ce soir ? en est une. Tu pourras me nettoyer ce …(ajouter vêtement)… pour demain ? est régulièrement l’autre. Sourd et en admiration comme vous étiez, seul les « pour demain » et « ce soir » vous avaient un peu chiffonné dernièrement. C’est un soir bien particulier que vos tympans se dégageront jusqu’au fond. Après une bonne grosse journée de boulot bien chiante et un ras le bol de tout bien immense que tout fera clic et double clic. En plein supermarché et pile au rayon du fameux…(ajouter objet)… ! Les bras ballants et les yeux ronds, vous vous souviendrez des : Tu veux que je t’achète quelque chose du supermarché en rentrant ce soir, mon lapin ? Tu veux que je te lave ça, mon cœur ? Sonné, encore tout chose et les mains cramponnées à votre caddie, vous voilà bouche bée face au constat qui clignote et raisonne dans votre tête comme un slogan publicitaire : Vous vouliez un mari, devenez une bonne ! Vous en prenez toute la mesure, à mesure que vous ressentez graduellement et de très loin en vous cette réactivation abondante d’hormones mâles et un afflux de testostérone hautement effervescente. Vous étiez ivre de votre homme, vous venez de dessaoulez. Un premier sujet qui fâche risque fort de s’inviter au dîner ce soir.
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