Les yéyés choupinous à la Doris Day des années soixantes moururent violemment avec les accords sauvages de Hendrix et la voix bestiale et déraillée de Janis Joplin. L’ambiance survoltée et largement dénudée de Woodstock restera dans l’Histoire comme le point d’orgue d’un sérieux changement d’époque et d’un constat atrocement implacable : Doris Day ne reviendra plus. Pour enfoncer le clou, l’Histoire, qui adore faire sa coquine, voulut que ce festival eut lieu en 1969, date à la résonance au combien érotique. La fin des années soixantes et le début des années soixante-dix marqueront donc le coup d’envoi d’une libération des mœurs sans précédent et une fois n’est pas coutume, les gays allaient être de la fête, et dans les première loges en plus. Les émeutes de Stonewall dans le Greenwich village New Yorkais annoncèrent une reprise en main ferme et résolu de millions de destins par des gays qui ne voyaient plus pourquoi ils devraient continuer à avoir honte de finalement n’être rien d’autre que ce qu’ils étaient. Dont acte.
Presque aussitôt, d’autre gays décidèrent qu’il fallait vivre pour vivre, et tant qu’à vivre, vivre pour baiser. Les pissotières rendraient l’âme, les années soixante-dix virent apparaitre toutes sortes de baisodromes légaux plus ou moins bien fréquentés dans toutes les grandes villes du monde occidental. Fini les plans à la sauvette, bonjour les backrooms et les saunas. Et comme l’Histoire, je vous l’ai déjà dit, aime faire sa grande coquinette, le début des années soixante-dix marqua aussi l’arrivée à maturation d’une invention géniale : la pellicule amateur.
Tout le monde sait que chaque innovation engendre des utilisations inattendues. Lorsqu’en 1965 Kodak lança en grande pompe le format de film cinématographique super 8mm pour le cinéma amateur familial, nul doute que les gays n’étaient pas vraiment leur cœur de cible. Filmer pour la postérité leurs ébats non plus. L’avantage de cette toute nouvelle pellicule par rapport l’ancienne 8mm de 1932 : son coût et sa maniabilité. Les caméras individuelles étaient devenues toutes légères et faciles à transporter grâce à une importante utilisation du plastique, cette autre grande innovation aux utilisations largement inattendues à l’époque. Voilà comment les émeutes s’imbriquant dans la libération des mœurs engendrant l’assassinat cinématographique de Doris Day encouragèrent la vie de baise en parallèle des bars à sexe et l’intervention d’une pellicule super 8mm qui mixa le tout débouchèrent in fine sur la première grande vague de production de films de cul à grande échelle de toute l’histoire du monde occidental. Les fameux gay loops.
Le porno était né. Aujourd’hui, on l’appelle vintage, classique ou rétro sur les tubes sur internet. A l’époque, ils ne s’appelaient pas, ils se mataient en se faisant du touche pipi dans les cinémas glauques des quartiers mal famés. Ils se regardaient jusqu’au bout de la nuit dans les bars sexes des grandes villes. Ils ne se téléchargeaient pas non plus. A moins d’avoir l’équipement, on ne pouvait pas se le projeter chez soi tranquille au coin du feu. On ne les achetaient pas. On les voyaient quand ils se présentaient. Parfois, on revoyaient les mêmes d’un bar à l’autre. Certains de ces petits films étaient plus réputés que d’autre. Une certaine qualité. Certains plans mémorables. Des visages d’ange. Des mecs inoubliables. Al Parker. Jack Wrangler. Casey Donovan… les premières porno stars.
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