Il était une fois, une autre époque. Une « époque » pourtant pas si lointaine où le soir quand l’envie subite de porno se faisait ressentir, et à moins de se contenter des quelques videos que l’on avait chez soi, il fallait sortir. On devait se rhabiller (oui je traîne souvent en survêtement chez moi), sortir dans le froid (c’est toujours pire l’hiver), prendre la voiture, conduire jusqu’au sex shop le plus achalandé en porno gay (et ils n’étaient pas si nombreux), trouver une place de parking (toujours difficile en centre ville), se diriger d’un pas vif (on s’attardait rarement à flâner) et entrer dans la boutique proprement dite. Là, on se disait : Bon, maintenant j’y suis ! Un bonsoir des plus brefs pour le tenancier parce qu’on est civilisé et on se dirigeait, en essayant d’être le plus naturel possible (c’est à dire pas de signe extérieur d’excitation) vers le tout mini coin gay au fin fond des lieux, derrière les innombrables rayons hétéros riches et variés et bien stigmatisants. Là, sur quelques étagères toutes petites, on reluquaient les jaquettes, inlassablement, les unes après les autres, pendant une demi-heure. Au final, il fallait se résoudre, car tel était le mot, à prendre non pas un mais deux films, au cas où l’un serait nul, retourner vers la caisse tout naturellement, payer, en baissant quand même un peu les yeux, et pointer sa carte d’abonnement du « club », car carte d’abonnement du « club » souvent il y avait. Arrivé chez soi, pas de thé à préparer pour se faire une ambiance, pas de « je vais me remettre en survêtement pour plus de confort », pas de rien du tout. On rentre, porte-manteau, rouleau de PQ et visionnage, direct ! Une heure qu’on l’attend.
Aujourd’hui, je connais comme chacun de vous les différents tubes qui diffusent du porno en streaming illimité et gratis et je mentirais si je disais ne pas en être consommateur. L’informatique, et internet sont tellement entrés dans les mœurs que le porno peut s’inviter à toute heure, n’importe où. Au réveil, on regarde ses mails avec son petit café ; une petite gorgée, un mail, une envie subite et hop, un petit porno. On bosse sur un dossier à son bureau, un moment de relâche, hop, contrôle S et un petit porno. On s’ennuie, une activité trouvée : surfer sur les sites pornos. C’est sans fin. Chez soi, à l’étranger, à l’hôtel, chez ses parents, chez des amis… partout. S’il y a internet, il y aura du porno. Toutes sortes de porno. Du français, trop rarement, de l’américain, presque exclusivement. Mais aussi du japonnais, du thaïlandais, de brésilien, du russe, du tchèque… De l’amateur ou du pro. Du récent ou du vintage. Du soft ou du hardcore. Tout, et à toute heure. Gratis. Et il est là, le hic.
Le porno rapporterait des milliards de dollars chaque année. Ce serait l’un des marchés les plus juteux (sans jeu de mot) du net. Mais qui paye ? Et qui est payé ? Les sex shops ont quasiment disparu. Les porno stars se comptent sur les doigts de la main et beaucoup de performers se sont suicidé ces dernières années (Arpad Miklos,Wilfried Knight… pour n’en citer que deux). Et que dire de la presse photo gay. Les différents magazines que l’on achetait sous le manteau ont disparu. Un clic sur google image avec une recherche bien ciblée vous offre autant d’images que tout les magazines photos de cette époque réunis. Combien sont payé les nouveaux modèles ? Les photographes ? Le porno n’a, à ce que j’en ai compris, jamais autant rapporté d’argent et pourtant on a jamais aussi peu payé pour s’en procurer ! Cela va-t-il durer ? Y aura-t-il un jour un dossier sur le sujet dans « envoyé spécial » sur France 2 ? Mystère, mystère….
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